dimanche 9 septembre 2012

Dimanche à Paris

A Paris, quand t'es pas tout seul, il y a une musique de jazz aux pieds de Notre-Dame la nuit et des sourires plein de dents.
A Paris, quand t'es seul, qu'il ait fait beau ou pas la journée, la nuit les trottoirs sont mouillés, ils sentent la pisse de chien, et tu imagines le son craquant du vinyle et la voix de Billie Holiday derrière les fenêtres allumées des voisins.

A Paris, chez moi, il y a le petit voisin qui a regardé un dessin animé sur Canal Plus, je ne savais même pas que Ca Cartoon existait toujours. Ca m'a rappelé mes dimanche quand j'étais petite. Quand tu ne savais pas encore quel goût auraient les dimanche plus tard. Cette légère aigreur à l'idée de savoir que ton frère retrouve sa chérie ce soir, que ta meilleure amie connaît ses premiers ébats. C'est étonnant, le dimanche tu ne peux pas te résoudre à être heureux pour eux. Les autres jours, il n'y a pas de problème, mais le dimanche, tu voudrais bien que le jazz retentisse chez toi aussi et ne pas être la seule à danser dessus.
Tu penses juste que tu ne peux appeler personne.

A Paris, chez moi, il n'y a pas de jazz. C'est un peu trop cliché. Au lieu de cela il y a une casserole au milieu de la pièce parce que tu as encore un dégât des eaux. Il y a un bébé qui pleure chez le voisin. Et dans la rue il y a une voiture qui fait ronfler son moteur. Et tu aimes bien. Ca te rassure cette vie à l’extérieur. Et toi dedans. Retranchée. La tête par la fenêtre à fumer une clope et fantasmer sur la boiserie de la bibliothèque en face et des plantes vertes. C'est rassurant les plantes vertes. Autant que les livres. La vie des autres c'est rassurant. Autant que l'odeur de ta maman qui vient te border à 22h, à la fin du Carrefour de l'Odéon et qui coupe la radio avant de fermer la porte de ta chambre. Alors tu ouvres les yeux dans le noir, tu écoutes le silence de la nuit. Le chien qui aboie au loin. Les voitures qui passent plus haut. La voix basse de tes parents qui chuchotent dans le couloir et dans la salle de bains. Tu prends conscience du présent. Et tu t'endors, rassurée, car demain n'est pas encore là mais la journée est finie.

Pourquoi pas ?

Avec le P'tit Chéri, une fois on est monté sur un toit à Clermont, puis nous sommes allés dans un parc, la nuit. On dominait la ville. On a pensé dominé nos vies. On a ri. On a dit qu'on avait la vie devant nous. On a parlé de Woody Allen, on a raconté une fausse comédie romantique. Il a dit qu'il ferait le conservatoire de musique et qu'il deviendrait ethnomusicologue. J'ai dit que je plaquerai tout et que je ferai le Cours Florent. On a parié pour rire. Puis sérieusement il a demandé pourquoi on le faisait pas. J'ai dit "Pourquoi pas alors ?" Il a répondu "Pourquoi pas ouais !"
L'idée a germé. Jusqu'au bout.

Il y a une semaine j'ai mal dormi. J'attendais le mail d'inscription. Lundi je n'ai rien eu dans ma foutue boîte de réception. Mardi je m'étais promise d'appeler dans l'après-midi afin de savoir si, par hasard, ils ne m'avaient pas oublié, comme dans tous mes cauchemars de ces derniers jours. A 11h, je me suis agacée contre un copro, une collègue m'a embarquée en pause clope, ça tombait bien, elle rentrait de vacances, on avait des choses à se dire. J'ai ri. J'ai oublié. J'suis revenue. J'ai attendu midi pour regarder mes mails, on ne savait jamais. Il y avait un mail. Sur le coup j'ai pas compris. J'ai pas compris que ce n'était pas seulement pour me dire que j'étais inscrite, mais aussi pour me dire quels jours j'aurai cours, où et avec qui. Et les horaires étaient exactes. Le cauchemar a disparu.
J'ai dansé les claquettes toute la journée, j'ai tout supporté au boulot, j'ai ri toute seule. J'ai oublié mon P'tit Chéri.