vendredi 19 juillet 2013

Une année à Florent

Bah oui voilà c’est fini. Hop bonjour la deuxième année. Hop bonjour je n’aurai pas d’été puisque j’ai quasi pas de vacances et que j’ai décidé d’apprendre 4 pages de 4h48 psychose de Sarah Kane. Mais ça va, j’en suis déjà à 2. Tout ça appris dans le métro. Ouais bon, des fois je dors aussi, dans le métro.
Bref un résumé.
Ouais, ouais, des émotions, des pleurs, des rires. La vie quoi. Mais c’est pas rigolo ça.
Non. En gros.

Lundi matin. Levée à 7h. Nuit de merde. Mais motivation de ouf. Début de semaine, tu vois. T’es souriante, t’es pimpante, t’as pas encore de cernes, limite tu peux mettre des talons parce que tu sais que tu vas réussir à tenir debout. Et puis le truc dingue, t’as le temps de faire couler un café, de le siroter direct avec une clope, tu peux même regarder tes mails pendant que tes cheveux sèchent. Et même tu manges ! Et tu manges un yahourt, un fruit, un petit pain au lait, un jus d’orange. Alors là c’est bon, tu tiendras jusqu’à 12h30 sans avoir les crocs. Bref tu sors, t’es belle, t’es fière de toi, t’es fatiguée, mais rien à foutre. Tu dors pas dans le métro, tu apprends ton texte de théâtre. Ca va vite. Tu continues sur le chemin qui t’amène au boulot à répéter une tirade en boucle comme une mongole. Du coup quand tu dis bonjour à tes collègues, ils croient que tu fais la gueule, genre « mode lundi matin » alors qu’en fait t’es bien toi, t’es juste concentrée. Du coup tout roule pépère. Les copros t’emmerdent pas, t’es super sympa avec eux, tu compatis pour tes collègues qui sont eux « en mode lundi matin grosse loose ». L’aprèm’ tu le vois pas passer, t’es sur tous les fronts, tu mènes ta barque. Le soir tu te casses à 17h tout pile et tu dors toujours pas dans le métro, ça t’emmène un peu mais tu résistes et tu continues à apprendre ta tirade du matin. Et à 18h tu arrives à Jaurès. Tu fais la papote avec tes potes, tu répètes, tu refais le monde et la psychologie de ta personne et de celui que tu dois jouer. Tu exploses ton quotat de clopes de la journée en 1h30. Après, tu as 3h de cours et t’es la plus heureuse au monde car rien d’autre n’existe que ce qui se passe sous les projecteurs dans la boîte noire. Puis à 22h30 tu sors, tu papotes encore avec tes potes, tu cales la répèt de demain, tu espères que machin et truc viendront parce qu’ils ont tendance à annuler au dernier moment et ça te fout en rogne. En gros t’es chez toi à 23h15, tu tournes en rond, tu sais pas quoi faire, même ton plafond t’intéresse plus. Alors tu regardes une série. Tu finis pas l’épisode. T’as pas mangé. T’es fatigué. Tu dors.

Mardi. 7h. Tu remets le réveil. Pour qu’il sonne une nouvelle fois dans 5 minutes. Puis une seconde fois. Puis allez, une troisième pour la route. 7h15. Tu sors du lit. Tu fais chauffer le café, tu écoutes Inter. Tu attends que ton café chauffe pendant que tu prépares ton Tupperware pour le midi. Puis le café chaud tu le poses sur les chiottes. Tu prends ta douche. Tu as encore le temps que tes cheveux sèchent. T’as même le temps de te maquiller correctement et de jeter un œil dans le miroir en pied. T’as bu la moitié de ton café, tu as bu au goulot du jus d’orange, tu avales un yahourt et tu emmènes le petit pain au lait sur le chemin. Tu apprends ton texte dans le métro. Sur le chemin du RER au boulot, tu fumes ta clope. Tu arrives souriante et tu bois un café. Tout va bien. Tu tiens toute la journée. Tu résistes même encore au sommeil au retour. Tu arrives cool à Jaurès. La même que la veille. Tu te couches encore plus tard par contre mais tu sais pas pourquoi. Quand tu te couches tu mets le réveil direct à 7h15.

Mercredi. 7h15. Tu repousses le réveil. 7h20. 7h25. Tu entends le voisin ronfler. L’enfoiré. Tu allumes ta 3g, tu attends que tes mails arrivent, ou pas. Tu regardes facebook. 7h30. Tu allumes la radio. Tu fais chauffer le café. Tu te dis que tu commences à plus avoir grand-chose dans le frigo malgré le fait que tu manges pas le soir. Ca reste un mystère. Tu te dis que ce midi tu mangeras à emporter au boulot, japonais ou kebab ou une crêpe. C’est cool les tickets restos. Puis tu te douches. 7h34. C’est bon, t’es encore dans les temps. Tu t’en fous tu remets les mêmes fringues de la veille. Tu te demandes si y’a répèt ce soir ou pas et si y’a pas répèt tu iras au cinéma et tu rêveras de ne pas t’endormir au cinéma. 7h40. Tu sors de la douche. Ton café tu bois qu’une seule gorgée. Tu te maquilles. Tu sors le sèche-cheveux, ça ira plus vite. Putain ça y est c’est Pascal Clark. T’as plus que 10 minutes. Puis tu te dis que c’est pas grave, quand tu pars à 8h05 tu as encore le MONA, même quand tu pars à 8h09. Mais bon, après faut pas qu’il y ait une couille sur le métro. Alors tu speed un peu. Tu prends un pain chocolat et un café en haut du métro Pyrénées. Puis tu révises ton texte derrière tes paupières closes. Tu arrives au taf, tu souris pas, t’accuses le coup. Café. Clope. A 9h30 tu as déjà envie d’une autre clope. Tu t’énerves après le premier copro. Tu pries que ta collègue te donne pas trop de taf ou alors t’en donnes beaucoup pour rester éveillée, tu sais pas trop en fait. La journée est longue. Tu rentres, tu vas au ciné, tu dors, tu rentres chez toi, tu manges, tu te dis que tu dois faire des courses. Tu regardes la moitié d’un film. Tu mets ton plat que tu as fait en trop dans un Tupperware. Tu te couches. Tu dors derechef.

Jeudi matin. C’est le même réveil que la veille, jusqu’à 7h30. Sauf que tu fais pas chauffer le café. Tu vas à la douche comme une survie. Tu y restes longtemps. Mais tu as encore le temps de te coiffer vaguement. Heureusement la veille tu as eu l’intelligence de choisir tes fringues et de les mettre dans la salle de bains. Sur le trajet menant à Pyrénées, tu regardes tes mails et tu fumes une clope. Tu prends un café et un pain au chocolat. Tu dors dans le métro. Tu dors dans le RER. Sur le chemin tu révises ton texte dans ta tête. Arrivée, tu prends un café, une clope. A 10h tu prends un café. A 10h30 aussi. Puis à 11h. Tu as mal au ventre. Tu as faim. Tu boufferais les gens au téléphone. Tout le monde te dit « t’as une sale tête », moi je pense « je vous emmerde », tu souris. Tu dis rien. Ce soir tu as théâtre. Il faut tenir le coup. Tu espères que le prof te fera passer sur scène sinon ça sera dur de résister aux paupières qui se ferment. A 20h dans la salle de cours tu as le ventre qui gargouille. A 21h tu fumes une clope en pause. Tu n’as plus faim. Tu passes ce soir. Tu bénis ton prof. Tu te réveilles. Et du coup à 00h30 tu es toujours debout en train de manger du quatre quart car y’a vraiment plus rien dans le frigo. Tu te couches. Tu dors mal. Tu mets le réveil à 7h30.

Vendredi matin. Tu sais que ça va être la course. Tu mangeras rien ce matin, tu vas t’attacher les cheveux car ils seront pas secs, tu seras pas maquillés, tu seras habillée comme une plouc, tu seras d’une humeur de chacal. Tu dormiras à l’aller, tu n’auras pas envie de travailler. Tu penses juste que tu as hâte de rentrer chez toi et dormir. 18h. Tu te mets au lit. Tu te réveilles à 23h. T’es fraîche comme une loutre qui se ferait dorer la pilule. Tu te fais un film, en entier. Le vendredi, c’est sacré. Tu te fais les ongles. Tu te rases les jambes. Tu te fais un gommage. Tu te fais un masque. Tu fumes. Tu manges pas. Tu grignotes du fromage. Tu te couches à peu près à 3h du matin avec des yeux écarquillés. Tu dors. Tu sais pas comment. C’est le rêve de ta vie : dormir. Tu te réveilles à midi. C’est trop tôt. Tu te recouches. Tu redors. Tu te réveilles à 14h. Tu restes encore 1h scotchée au matelas à répéter ton texte à voix haute, à revoir la scène, à réfléchir. Ouais, tu prends le temps de réfléchir. Puis tu te fais un petit déjeuner de champion : café + pâtes + ton dernier yahourt. Et là tu dois trouver la motivation pour te laver, sortir faire tes courses pour la semaine. Tu le fais. Tu rentres. Tu zones. Tu sors. Tu dépenses des thunes. Tu te couches tard mais tu t’en fous, demain c’est dimanche.

Dimanche. Réveil à 10h. Pimpante. Tu comprends pas. Alors tu fais des pancakes, tu regardes un film dans ton lit. Tu redors. A 15h tu te réveilles. Tu restes 1h au lit, comme la veille. Tu te laves pas, tu restes en pyjama. Tu manges. Toute la journée. Comme une boulimique. Le soir t’as envie d’une pizza. Tu commandes une pizza. Tu as envie de regarder un polar. Tu regardes un polar. Tu enclenches ton réveil pour demain. 7h. Tu n’arrives pas à aller au lit. Tu regrettes d’avoir passé tant de temps au lit, mais tu sais que tu recommenceras la semaine prochaine.

Voilà. Un an. J’avais une excuse toute trouvée pour ne rien faire de quotidien, d’emmerdant, de désolant. Avant tu n’avais pas d’argument pour expliquer que les poussières et le lavage de vitres ça te faisaient royalement chier. Maintenant tu dis que t’as pas le temps.

Et tu penses à ça de Sarah Kane « je suis arrivée à la fin de cette effrayante, de cette répugnante histoire d’une conscience internée dans une carcasse étrangère et crétinisée par l’esprit malveillant de la majorité morale. »

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